le seuil de signification


introduction 






L’audit est bien une approche des risques et des éléments permettant leur maîtrise (dispositif de contrôle interne) qui se conclut par un avis sur la probabilité de défaillance d’une organisation et de son fonctionnement. 


Les travaux d’audit doivent obligatoirement se focaliser sur les aspects les plus sensibles de l’entreprise : les zones de risque. 

Il ne s’agit pas ici uniquement d’un souci d’efficacité mais plutôt d’une condition d’applicabilité de l’acte d’audit. 

Il existe ainsi une relation inéluctable entre les risques de l’entreprise, les travaux d’audit et le risque d’audit c’est à dire le risque de non détection des défaillances par l’auditeur. 

Cependant, s’il est demandé à l’auditeur de bien définir la nature et l’étendue des travaux qui lui permettent de détecter les défaillances de l’entreprise, on reconnaît que le risque d’audit ne peut être définitivement écarté et qu’on ne peut au mieux que détecter les défaillances significatives et exiger de l’auditeur d’avoir une assurance raisonnable qu’il n’existe pas d’anomalies significatives. Ce caractère significatif va être inversement proportionnel au risque d'audit, en effet, plus le seuil de signification est élevé, plus le risque d'audit est faible et inversement. 

C’est pourquoi, lors de la conduite d’une mission d’audit, l’auditeur doit tenir compte du caractère significatif d’une information et de son lien avec le risque d’audit. 


I. Les différents niveaux de risques 

Les différents niveaux de risques: S'il existe de très nombreux risques d'erreurs, ils n'ont pas tous la même probabilité de se réaliser. On distingue généralement: 

Les risques potentiels: Ce sont les risques qui sont théoriquement susceptibles de se produire si aucun contrôle n'est exercé pour les empêcher ou détecter et corriger les erreurs qui pourraient en résulter; ces risques sont commun à toute l'entreprise 

Les risques possibles: Ce sont les risques potentiels contre lesquels une entreprise donnée ne s'est pas dotée de moyens pour les limiter. Lorsque de tels moyens ne sont pas mis en place, il existe une forte probabilité que des erreurs se produisent et ne soient ni détectées, ni corrigées par l'entreprise. 


La documentation professionnelle et l'expérience permettent de connaître les premiers. Le commissaire aux comptes, tout au long de sa mission, cherche à identifier les seconds afin d'adapter en conséquence ses contrôles pour évaluer l'incidence des erreurs pouvant affecter les comptes de l'organisation auditée. 

Lorsqu'il analyse une entreprise, le commissaire aux comptes est confronté à différentes natures de risques. On distingue généralement les risques suivants: 

 A. Risques généraux propres à l'entreprise et à son environnement:


 Il s'agit de risques qui sont de nature à influencer l'ensemble des opérations de l'entreprise. Chaque entreprise, selon le secteur d'activité dans lequel elle opère, sa structure et son organisation, possède des caractéristiques qui lui sont propres et qui rendent plus ou moins probable la concrétisation de ses risques potentiels. Pour contrôler une entreprise, le commissaire aux comptes doit donc identifier les caractéristiques qui la distinguent des autres. Les informations recherchées concernent à ce stade: L'activité de l'entreprise et le secteur dans lequel elle opère (entreprise de production, de services, secteur en déclins…) Son organisation et sa structure (une filiale à 100% d'un groupe ne pose pas les mêmes problèmes de contrôle que dans une entreprise à l'actionnariat réparti, entrepris décentralisé plus difficile à contrôler…) Ses politiques générales (financières, commerciales, sociales…) Ses perspectives de développement (croissance rapide et problèmes de trésorerie, déclin et continuité d'exploitation…) Son organisation administrative et comptable (recours à une SSII, service d'un expert-comptable, présence d'un service d’audit interne…) Ses politiques comptables (principes comptables, options retenues en consolidation…) 



B. Risques liés à la nature des opérations traitées : 


Les comptes sont le reflet des opérations traitées par l'entreprise. Les données saisies par la comptabilité peuvent être distinguées en trois catégories dont chacune est porteuse de risques particuliers:



Les données répétitives: Ce sont les données habituelles d'une entreprise: achats, ventes, salaires… Elles sont traitées de façon uniforme en fonction des systèmes mis en place. Les risques sont donc liés à la fiabilité de ces systèmes. 

Les données ponctuelles: Elles sont complémentaires des précédentes mais saisies à des intervalles de temps plus ou moins réguliers: inventaires physiques, évaluation en fin d'exercice… Elles sont porteuses de risques significatifs lorsque leur saisie n'est pas organisée de façon fiable et il est donc important de les connaître à l'avance pour décider des contrôles qui devront être effectués. 

Les données exceptionnelles:Elles résultent d'opérations ou de décisions qui sortent du domaine de l'activité courante: réévaluation, fusion, restructuration… L'entreprise ne disposant pas de critères préalables, d'éléments comparatifs, de personnel expérimenté, pour ce type d'opérations, les risques que des erreurs se produisent et ne soient pas détectées sont plus important. 

 Observation: Les données ponctuelles et exceptionnelles sont également plus sensibles aux jugements de la direction de l'entreprise que les données répétitives. En outre plus la valeur (individuelle ou cumulée) d'une catégorie d'opérations est importante et plus les erreurs sont susceptibles d'avoir une incidence sur les comptes de l'entreprise. 


  C. Risques liés à la conception et au fonctionnement des systèmes: 


La conception des systèmes de saisie et de traitement des opérations doit permettre de prévenir les erreurs ou détecter celles qui se produisent pour les corriger. Les risques peuvent donc être limités, notamment pour le traitement des données répétitives, lorsque la conception des systèmes est fiable. 

Par exemple, la probabilité qu'une saisie de stocks ne soit pas facturée est faible si le système mis en place prévoit que toute sortie de stocks doit faire l'objet d'un document et que tous ces documents doivent faire l'objet d'une facturation. Mais même si le système est fiable dans sa conception, il peut être défaillant dans son fonctionnement car des contrôles prévus peuvent ne pas être effectués.

 D. Risque de non détection lié à l'audit: 



Le choix par le commissaire aux comptes des procédures mises en œuvre, de leur étendue et de la date liée à ses interventions entraîne obligatoirement un certain niveau de risque que le commissaire aux comptes doit s'efforcer de minimiser. 


Il n'est en effet pas possible, notamment pour des raisons de coût et d'efficacité, d'obtenir une assurance absolue que les comptes ne contiennent pas d'erreurs, quels que soient les systèmes mis en place par l'entreprise ou les contrôles de détection mise en œuvre par le commissaire aux comptes. 

Le risque d’audit est le risque que des erreurs significatives subsiste dans les comptes annuels et que le commissaire aux comptes, ne les ayant pas détectées, formule une opinion erronée. Il doit cependant concevoir son programme de travail pour obtenir une assurance raisonnable qu'il n'existe pas d’erreurs significatives dans les comptes et limiter ainsi le risque d’audit à un niveau minimum acceptable. 


II. Le seuil de signification 


Le seuil de signification: 

Lors de la conduite d'un audit, l'auditeur doit tenir compte du caractère significatif d'une information et de son lien avec le risque d'audit. C'est ce qui va lui permettre de formuler son opinion. On considère que des informations sont significatives si leur omission ou leur inexactitude sont susceptibles d'influencer les décisions économiques prises par les utilisateurs se fondant sur les états financiers. L'auditeur définit alors un seuil de signification qui va lui permettre de détecter les anomalies significatives. Toutefois, il convient de tenir compte à la fois du montant (quantité) et de la nature (qualité) des anomalies. 

A. Le seuil de signification : 

définition : Le seuil de signification (ou de matérialité ou encore l’importance relative) est la mesure que peut faire l’auditeur du montant à partir duquel une ou plusieurs erreurs, inexactitudes ou omissions cumulées, peuvent affecter la régularité et la sincérité des comptes annuels ainsi que l'image fidèle du résultat des opérations, de la situation financière et du patrimoine de l'entreprise. C'est donc l'appréciation que peut faire l’auditeur des besoins des utilisateurs des comptes. 

B. Relation entre le seuil de signification et la notion du risque : 

Seuil de signification et risque sont deux concepts qui ne peuvent être dissociés l’un de l’autre car toute étude du risque aboutit à une notion d’erreur qui peut se quantifier dans les états financiers. 8 Le seuil de signification renvoie à l’ampleur d’une erreur donnée, alors que le risque renvoie à la possibilité qu’une erreur de cette ampleur se soit glissée dans les états financiers. L’auditeur sait donc par intuition que le niveau de risque et le seuil de signification influencent l’étendue de son travail. Toute décision d’abaisser le seuil de signification ou le niveau de risque se traduit en effet par une augmentation de l’effort de révision. Dès lors, il est facile de concevoir la relation qui existe entre ces deux notions, car pour un effort d’audit donné, le seuil de signification et le risque varient en sens inverse. En effet, Le seuil de signification est inversement proportionnel au niveau du risque d’audit. Plus le seuil de signification est élevé, plus le risque d’audit est faible et inversement. Ainsi, lorsque le risque d’audit est estimé à un niveau élevé, l’auditeur fixera un seuil de signification faible qui lui servira pour étendre ses travaux d’audit. Inversement, lorsque le risque d’audit est estimé à un niveau faible, l’auditeur fixera le montant du seuil de signification à un niveau élevé afin de réduire les travaux d’audit. Il s’agit donc de notions qui permettent d’augmenter l’efficacité du travail de révision en centrant les contrôles sur les « zones à risque » tout en respectant les contraintes de la mission (coût, temps). 

C. L’importance du seuil de signification : 

L’auditeur conduit sa mission dans un souci d'efficacité et met en œuvre des diligences qui sont proportionnées aux risques possibles. Dans ce but, il oriente ses travaux vers les domaines et systèmes significatifs qui sont les plus porteurs de risques.  Il apprécie l'importance relative de chaque élément contribuant à la présentation de l'information financière faisant l'objet de ses contrôles. En début de mission, la fixation d'un seuil global de signification est utile pour déterminer les domaines et systèmes significatifs. En cours de mission, des seuils de signification déterminés pour le contrôle de chaque rubrique des comptes permet d'adapter les programmes de travail aux risques et de mieux définir les échantillons à contrôler. Cela évite de s'engager dans des travaux qui ne serviraient pas à fonder l'opinion suer les comptes de l'entreprise auditée. Ces seuils sont généralement inférieurs au seuil global pour tenir compte des effets de cumul possibles des erreurs constatées. En fin de mission, le seuil global permet d'apprécier si les erreurs constatées doivent être corrigées ou faire l'objet d'une mention dans le rapport lorsque l'entreprise refuse de les corriger. La fixation de seuils de signification permet donc de mieux orienter et planifier la mission, d'éviter des travaux inutiles lors de la recherche d’éléments probants et enfin de justifier les décisions concernant l'opinion émise. En résumé, on peut dire que le seuil de signification permet à l’auditeur d’apprécier si les erreurs et inexactitudes détectées sont de nature à remettre en cause sa certification (audit externe) et si il convient de demander à la Société de corriger ses états financiers. 

 D. Les éléments de mesure du seuil de signification : 

Après avoir déterminé les risques potentiels, l’auditeur cherchera à déceler les éléments significatifs devant faire l’objet de contrôles approfondis. Ces éléments sont fonction du montant du seuil de signification. Ce montant est la résultante d’une base de référence et d’un taux. Afin de déterminer la base de référence du seuil de signification, deux types de critères sont à prendre en considération, à savoir les critères qualitatifs et les critères quantitatifs. 

L’élément quantitatif:Les critères quantitatifs consistent à mesurer l’importance d’un élément par rapport à une base de référence. 

Les bases de référence les plus fréquemment utilisées sont les suivantes : 


-Un résultat final ou intermédiaire; par exemple, le bénéfice net, le bénéfice brut, le total de l’actif; Un résultat retraité; par exemple, le bénéfice courant; 

-Un résultat moyen ou un résultat normal; par exemple, bénéfice net moyen des cinq dernières années; 

-Un poste d’un état financier auquel l’élément est associé; par exemple, le chiffre d’affaires; 

-L’effet de l’élément sur certains coefficients financiers; par exemple, le coefficient du fonds de roulement, le montant du bénéfice net par action.

 Les taux les plus couramment appliqués sont les suivants:

 5% à 10% du résultat courant avant impôt; 

0,5% à 1% de l’actif; 

1% à 2% des capitaux propres; 

0,5% à 1% du chiffre d’affaires. 

Le choix de la base de référence et du taux relève du jugement professionnel de l’auditeur. Il peut même utiliser une méthode qui combine une partie ou la totalité des bases ci-dessus mentionnées de telle sorte que la base du seuil de signification ainsi obtenue devienne moins variable tout en étant représentative de l’activité et des opérations réalisées par les entreprises. Les bases de référence ainsi que les taux du seuil de signification servent à déterminer le seuil de signification au niveau général des états financiers. Ce seuil doit être ventilé par compte ce qui fait référence à la notion d’erreur tolérable. L’erreur tolérable est définie comme étant le montant maximum d’erreurs dans un compte, qui, additionnée avec les erreurs des autres comptes, ne remet pas en cause la fiabilité des états financiers. La détermination des erreurs tolérables est faite en fonction de la facilité de contrôle de certains postes, en liaison avec l’étude des risques, et selon la probabilité que le client corrige ou non les erreurs. L’erreur tolérable est fixée afin d’identifier les comptes et groupes de comptes significatifs. 

 L’élément qualitatif: 

Certains critères qualitatifs ont été définis en matière de seuil de signification. Parmi ces critères, on peut citer: 

Les caractéristiques de l’environnement, par exemple, le contexte politique, le contexte économique, les attentes des utilisateurs des états financiers, etc.; 

Les caractéristiques de l’entreprise, telles que la nature des opérations, l’analyse coûts/avantages relative à la saisie et à la présentation d’informations financières, la tendance des résultats (résultats stables, constamment proches de zéro, secteur d’activité à faible marge), etc.; 

Les caractéristiques du système de comptabilité et des méthodes comptables de l’entreprise telles que le choix des méthodes comptables, libérales ou prudentes, l’étendue de la divulgation des méthodes adoptées, etc. Toutefois, l’importance relative est déterminée par l’auditeur en fonction des états financiers pris dans leur ensemble. 

Enfin, Une information est significative si son omission ou son inexactitude est susceptible d'influencer les décisions économiques prises par les utilisateurs sur la base des états financiers. 

Le caractère significatif dépend de la taille de l'élément ou de l'erreur évaluée dans les circonstances spécifiques de son omission ou de son inexactitude. Le caractère significatif constitue donc un seuil ou une borne plutôt qu'un critère qualitatif que cette information doit posséder pour être utile. 


 L'auditeur doit considérer l'éventualité que des anomalies sur des montants relativement faibles puissent avoir, globalement, un impact significatif sur les états financiers. Par exemple, une erreur au niveau d'une procédure de fin de mois peut indiquer une anomalie significative potentielle, si cette erreur est reproduite chaque mois. Le seuil de signification dépend des facteurs déterminants identifiés pendant la planification de la mission. 


Un facteur déterminant des états financiers est un facteur sur lequel les utilisateurs des états sont le plus susceptibles de porter leur attention, compte tenu de la nature de l'institution. L'identification des facteurs déterminants est affaire de jugement professionnel. Les facteurs déterminants, qui peuvent être utilisés pour déterminer le seuil de signification, sont par exemple le résultat net, le total des actifs, les produits, et les fonds propres. Les seuils de signification peuvent varier entre 2 et 10 % d'un facteur déterminant. 


conclusion 


La définition des seuils de signification est cruciale pour déterminer la nature, l'étendue, et le calendrier des procédures d'audit. Un seuil de signification est une limite au-delà de laquelle les erreurs potentielles sont considérées comme problématiques. Si la somme des anomalies non corrigées identifiées durant l'audit dépasse le seuil de signification, l'auditeur peut être dans l'impossibilité d'émettre une opinion sans réserve. En définitive, on peut dire qu’il existe une relation directe entre le niveau du risque d’audit, le niveau du seuil de signification, et la quantité d’éléments probant à réunir pour avoir l’assurance que les comptes sont fidèles. En effet, à niveau de risque d’audit constant, si l’on diminue le seuil de signification, il faudra obtenir plus d’éléments probants. De la même façon si l’on considère un seuil de signification donné et constant, une diminution de la quantité d’éléments probants obtenus entraîne une augmentation de risque d’audit.